Une communication au Congrès annuel de la Société historique du Canada : Entre espoirs et désenchantement

Introduction

Dans le cadre de la Réunion annuelle de la Société historique du Canada (SHC), prévue entre le 27 mai et le 3 juin 2021 à l’Université d’Alberta, le professeur Patrick Dramé du département d’histoire a formé un panel composé des étudiants à la maîtrise David Bouchard et moi-même ainsi que des doctorants Thomas Vennes et Khadim Ndiaye. Sous la direction de notre directeur commun M. Dramé, notre panel s’oriente sur la thématique de la condition indigène dans l’Afrique colonisée. Notre présentation se fait en virtuel par l’entremise d’une vidéoconférence préenregistrée et déposée sur la plateforme à cet effet sur le site officiel du Congrès.

Pour vous contextualiser brièvement l’évolution de la Réunion annuelle, le Congrès annuel de la SHC devait se dérouler en mai 2020. Bien évidemment, à cause de la rapide propagation du Covid-19 en mars 2020 (et dans la frénésie des annulations de la majorité des événements publics), le Congrès décida de reporter les présentation des panels constitués pour l’année 2021. La thématique générale, « Bâtir des passerelles – Combattre le colonialisme et le racisme anti-Noirs », fut d’ailleurs conservée.

Pour ce qui est de ma communication, je l’ai titrée « L’assimilation, l’aliénation et le racisme institutionnel dans la pensée post-coloniale de Frantz Fanon ».

Dans ma présentation, j’étudie le phénomène de l’incursion coloniale française en Afrique et comment celle-ci affecte la condition des indigènes dans les territoires colonisés. Ces aspects seront abordés à travers la théorie du psychiatre et sociologue martiniquais Frantz Fanon, un important penseur anticolonial du milieu du XXe siècle. Plus particulièrement, je vais voir ici la manière dont l’installation brutale d’un appareil de domination par les colonisateurs projette les bases propices à la mise en place d’un racisme systémique et institutionnalisé, mais aussi d’une entreprise d’assimilation et d’aliénation. Ceux-ci affectent la condition des indigènes, car ils mènent leur dépersonnalisation culturelle et identitaire. Je me questionne donc à savoir quel portrait Fanon propose-t-il de l’assimilation, de l’aliénation et du racisme en contexte colonial. Aussi, je cherche à savoir quelle est la place et la fonction du portrait de Fanon dans sa théorie postcoloniale. Fanon présente un schéma sur l’évolution du colonialisme, dans lequel son étude du racisme, de l’assimilation et de l’aliénation occupe une place centrale. Je sépare ma présentation selon les trois premières étapes de son schéma. Celles-ci consistent, tout d’abord, à l’asservissement du colonisé, suivi ensuite par la mise en place des projets assimilationnistes et l’agonie de la culture autochtone, pour terminer enfin avec le raffinement et l’institutionnalisation du racisme. J’appuie ma réflexion sur des études de Fanon, soit Peau noire, masques blancs ; les Damnés de la terre ; L’an V de la révolution algérienne et ses écrits publiés posthume dans Pour la révolution africaine.

Les communications de mes collègues

Je souhaite présenter brièvement ici les communications des quatre membres du panel. Tout d’abord, la présentation de Thomas Vennes porte sur le Manuel tactique pour le groupe de l’AOF (1910) sur lequel il porte un regard quant à la condition « indigène » vue à travers les officiers coloniaux. Plus particulièrement, il cherche à voir comment les populations colonisées de l’Afrique Occidentale française sont décrites et comment l’image de la condition indigène est créée puis véhiculée par les officiers coloniaux français.

La communication de Khadim Ndiaye s’oriente plutôt sur un cas particulier. Il chercher à procéder à une description des péripéties du voyage du capitaine Vincent et de son interprète Bou El Moghdad puis ainsi présenter le rôle des interprètes indigènes comment éléments-clés de l’entreprise coloniale. Nous avons ensuite la présentation de David Bouchard qui porte sur les enjeux de cartographies des lieux de provenance et de résistance des travailleurs indigènes du chemin de fer Congo-Océan en Afrique Équatoriale française. L’objectif de sa communication est d’aborder la question du recrutement de main-d’œuvre indigène dans le cadre de la construction du chemin de fer Congo-Océan mais aussi des principes qui ont présidé à ce recrutement de travailleurs, les populations visées, l’acheminement de ceux-ci vers les chantiers et enfin les dynamiques de consentement et de résistances observées chez les Baya, Tékés, Batékés, Saras, etc.) vis-à-vis des requêtes de l’État colonial. Sa réflexion d’ensemble est sous-tendue par la question de savoir quelles sont les conditions et modalités du recrutement indigène dans l’optique de la construction Duchemin de fer et la nature des attitudes suscitées parmi les populations.

Enfin, la communication du professeur Patrick Dramé porte sur le messianisme Karinouiste et la subversion de l’ordre colonial dans la Haute-Sangha et le Bas-Oubangui insurgés (1927-1930). L’objectif de sa communication est d’étudier le contenu discursif du messianisme incarné par le sorcier, « prophète-guérisseur » Baya, Karinou afin d’en souligner les arguments clefs, les objectifs visés et les stratégies de résistance préconisées. L’idée centrale de sa réflexion est de voir en quoi le discours messianique diffusé par Karinou constituerait-t-il un facteur majeur et décisif dans l’insurrection des populations colonisées et le combat qu’elle vont mener contre la présence coloniale. M. Dramé s’appuie sur une analyse critique des archives coloniales et militaires françaises qui renseignent très bien sur les firmaments de l’insurrection dépopulations de la Haute-Sangha et du Bas-Oubangui.

Les prospectives de la tenue du Congrès annuel

En février dernier, la Black Canadian Studies Association s’est retirée du Congrès à la suite de certaines plaintes concernant des propos et pratiques racistes au sein des milieux académiques canadiens. Elle a exprimé l’espoir que les autres membres de la fédération luttent de leur propre façon contre le racisme, l’iniquité et la colonisation dans leurs associations. Vous trouverez ici une lecture détaillées des raisons qui mènes la BCSA à se retirer. Le 25 février, la SHC a indiqué qu’elle s’engageait à apporter des changements durables pour lutter contre le racisme dans le monde universitaire, les associations et ailleurs. Au départ, elle refusa de se retirer, mais avec le retrait croissant des nombreuses associations participantes, elle prend finalement la décision de se retirer également.

Très récemment, nous avons reçu un courriel de la part des organisateurs qui travaillent au sein de l’association de la Société historique du Canada qui nous informa de leur retrait du Congrès. Les organisateur nous affirment cependant qu’il sont déterminés à offrir un espace de discussion et de recherche savante.  Un comité de la SHC, avec l’appui des organisateurs de la conférence, communiquera très certainement avec les participants à la conférence dans les jours qui suivent afin de trouver une solution de rechange où tous les participants pourront participer différemment.

Nous sommes bien évidemment perturbés par l’annulation du Congrès annuel des sciences humaines mais nous avons encore espoir une forme adaptée dans laquelle nous pourrons éventuellement présenter nos communications.

Informations supplémentaires

Qu’est-ce la Société historique du Canada ?

La SHC organise des réunions annuelles dans le cadre du Congrès des sciences humaines qui se tient chaque année dans une ville canadienne différente. Entre 350 et 500 historiens se réunissent pour partager leurs recherches sur des thèmes représentant toute la diversité de la discipline et pour réseauter avec leurs collègues. Les présentateurs doivent être membres de la société. La SHC offre des subventions de frais de déplacement pour permettre aux étudiants et aux individus ayant un emploi précaire d’assister à la réunion annuelle.

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