Cadre conceptuel II – Le « prospectivisme »

Dans mon mémoire, je vais exploiter un deuxième concept, celui du « prospectivisme ». Même si ce concept n’est pas, à proprement parler, un terme en soi, et loin de moi la prétention de créer un néologisme, il cadre toutefois très bien à la pensée visionnaire de Fanon dans Les damnés de la terre. Ce que j’entend par « prospectivisme » n’a rien à voir avec le terme philosophique du même nom[1], mais se définit plutôt par un regard porté par un individu sur une situation donnée, et de sa capacité à observer et à anticiper les travers et les changements drastiques menant à une situation nouvelle, ou bien à un état nouveau[2].

Dans le domaine des études philosophiques et sociologiques, ce terme est connu pour son utilité de revue littéraire ou historiographique. Cette méthode consiste à aller chercher des œuvres ou des concepts postérieurs et revisités au sujet présentement étudié par le chercheur, pour ensuite en arriver à des conclusions liées intrinsèquement avec l’influence des concepts ou des idées diffusées par ces œuvres.

Cette observation se fait habituellement à l’appui de situations similaires ou connexes à celle étudiée par le témoin. Ce « prospectivisme fanonien » est présent dans notre source principale sous la forme d’une critique politique et socio-économique. Alors que la première phase de décolonisation de l’Afrique est majoritairement achevée en 1961, mis à part celle de l’Algérie qui se fait véritablement en 1962, la situation des États-nations indépendants devient un terrain propice aux bouleversements politiques, culturels et socio-économiques. La manière dont Fanon appréhende ces changements, à travers ses observations, amène le constat que la nouvelle dynamique « décoloniale » s’apparente à une forme presque semblable à l’administration coloniale précédente. Fanon démontre que le mode de gouvernement des élites postcoloniales à la tête des nouveaux États-nations en construction se transforme rapidement en une forme de pouvoir centralisé et autocratique. Il prévoit cette même situation pour l’Algérie, en se basant sur ses plus récentes observations des nouvelles orientations des nouveaux États tels que le Ghana, la Guinée, le Madagascar, le Maroc, la Tunisie et bien d’autres.

Je souhaite préciser ici que je ne vais pas étudier en détails le contexte de décolonisation et des indépendances des pays mentionnés ci-haut et qu’ils ne me seront utiles que en tant qu’analogies et bases de compréhension pour la situation algérienne. Plus précisément, si je prend les cas du Ghana avec le président K’wamé N’Krumah, la Guinée avec Sékou Touré ou bien la Tunisie avec Bourguiba, il y’a une fréquence du revers de l’idéologie de la décolonisation et, rapidement, ces pays se transforment en dictatures, dirigés par un parti unique. Je compte donc utiliser ces exemples pour démontrer que le même phénomène se produit en Algérie après l’indépendance en 1962.


[1] Dans le domaine des études philosophiques et sociologiques, ce terme est connu pour son utilité de revue littéraire ou historiographique. Cette méthode consiste à aller chercher des œuvres ou des concepts postérieurs et revisités au sujet présentement étudié par le chercheur, pour ensuite en arriver à des conclusions liées intrinsèquement avec l’influence des concepts ou des idées diffusées par ces œuvres.

[2] Je sous-entend ici le « prospectivisme » de Fanon, par lequel il met en garde contre les élites, dans leurs choix idéologiques dans la construction des États-nations.

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